Francis Martineau |
L’affûtage en dynamophilie
Depuis plusieurs années, la dynamophilie prend de plus en plus de popularité. Ayant pratiqué le sport depuis plusieurs années, j’ai expérimenté divers protocoles d’entraînement, que ce soit le 5/3/1, Westside, Sheiko, etc. Pour avoir côtoyé plusieurs athlètes au fil du temps, j’ai pu remarquer qu’il existe une multitude de façon de s’entraîner, mais le but ultime reste le même : avoir la meilleure performance à un moment précis, soit la compétition. Avant une compétition ou une journée de test, nous allons normalement faire une phase d’affûtage afin de récupérer et d’être au meilleur de nos capacités. Il existe plusieurs façons d’approcher cette phase, mais quelles sont les règles à respecter et existe-t-il un protocole applicable à tous?
Tout d’abord, avant même de commencer à parler d’affûtage, nous devons comprendre quelques concepts clés en entraînement. Nous allons évaluer deux variables, soit la fatigue et la performance.
Commençons avec la fatigue. Durant une séance d’entraînement, nous allons accumuler de la fatigue, ce qui aura un impact négatif sur notre performance. Il existe trois facteurs causant la réduction de force après un entraînement : la fatigue périphérique, causée par une accumulation de métabolites; la fatigue centrale; et les dommages musculaires. Généralement, les dommages musculaires sont le facteur ayant la plus grande influence sur notre capacité à produire de la force et durent normalement quelques jours, sauf dans certains cas extrêmes.
Regardons ensuite la performance. Prenons un niveau de base lorsque nous ne sommes pas fatigués. Lorsque nous accumulons de la fatigue, notre performance sera diminuée par rapport au niveau initial. Lorsque la fatigue commence à se dissiper, notre performance se rapproche de l’état initial et, à un certain moment, elle devient même plus grande avant que la fatigue soit complètement dissipée. Ce phénomène se nomme la surcompensation (Zatsiorsky, 1995). Après un certain temps, la performance va revenir à l’état initial (schéma 1). Il est aussi important de noter que lorsque le stimulus est trop petit, l’effet de surcompensation sera minime, et lorsque le stimulus est trop grand, il sera trop difficile de récupérer et l’effet sur la performance sera négatif (schéma 2). Donc, comment approcher les dernières semaines avant une compétition en tenant compte de ces informations?
Généralement, avant une compétition, les athlètes font une phase appelée un affûtage. Celui-ci peut-être définit comme suit : la réduction progressive non linéaire de la charge d'entraînement pendant une période variable, dans le but de réduire le stress physiologique et psychologique de l'entraînement quotidien et d'optimiser les performances sportives (Mujika & Padilla, 2003). Ces semaines sont cruciales, étant donné qu’elles peuvent avoir un impact positif ou négatif sur la performance.
Sachant que les dommages musculaires sont un des facteurs les plus importants par rapport au niveau de performance, nous voulons les limiter dans la mesure du possible. Les mécanismes des dommages musculaires sont complexes, mais en temps normal, les exercices ayant une grande demande de contractions excentriques et les exercices auxquels notre corps n’est pas habitué causent le plus de dommage (Clarkson & Hubal, 2002).
Un autre facteur important à considérer afin de réduire la fatigue est le volume d’entraînement. Par exemple, si au cours d’un bloc d’entraînement le tonnage moyen d’une journée est de 10 000 livres, et qu’on décide soudainement d’effectuer une séance avec 30 000 livres de tonnage, cette journée risque de causer beaucoup de dommages musculaires. Il est donc important de considérer le niveau de l’athlète et le volume auquel il est habitué. Au contraire, si le volume d’entraînement est réduit trop rapidement, l’amélioration de la performance ne sera pas notable à la fin du taper, à cause d’un effet de désentraînement. Nous devons donc éviter les nouveaux exercices, les exercices ayant une trop grosse demande en contractions excentriques et réduire le volume de façon graduelle.
Un autre aspect à considérer durant le taper est la spécificité. Normalement, nous voulons être le plus le plus spécifique possible durant la phase de taper. Dans notre cas, il s’agit du squat, développé couché et du soulevé de terre. Durant les dernières semaines, nous voulons pratiquer ce que nous allons faire lors de notre compétition. La grande partie de notre volume devrait donc être constitué des mouvements de compétition. Par exemple, si je performe mon soulevé de terre en sumo, je ne ferais pas de soulevé de terre conventionnel durant la dernière phase de mon entraînement. Nous voulons aussi maintenir l’intensité la plus élevée possible, étant donné que celle-ci contribue moins à la fatigue qu'au volume. L’intensité doit évidemment être coupée elle aussi, mais cela arrivera plus tard que la réduction de volume. De plus, le moment auquel nous allons diminuer l’intensité sur chaque levé est différent. Le soulevé de terre est généralement le premier, suivi du squat et finalement du développé couché
Mais comment mettre tous ces concepts en application ? Une méta-analyse réalisée en 2020 portant sur le taper en Powerlifting propose les points suivants :
Le volume d’entraînement devrait être réduit de 30% à 70% durant une période de 1 à 4 semaines avant la compétition.
L’intensité doit être maintenue à plus de 85% du 1RM durant ces semaines suivi d’une courte cessation d’entraînement dans les 2-7 jours précédant la compétition (Travis, Mujika, Gentles, Stone, & Bazyler, 2020).
Nous remarquons ici qu’il s’agit d’un intervalle assez large, donc il faut s’adapter pour chaque athlète. En général, plus un athlète est fort et expérimenté, plus la réduction de volume sera grande et plus la réduction de l’intensité se fera tôt. Par exemple, si j’ai un compétiteur de 300lbs qui est capable de réaliser un squat de plus de 800 livres, le taper sera plus long que si j’ai un leveur novice de 160 livres qui est capable d’exécuter un squat de 315 livres. Par contre, il faut noter que certaines personnes répondent différemment au taper et qu’il faut parfois sortir du cadre établi, donc il est important de tester de manière individuelle et trouver la meilleure recette pour chacun.
Points-clés à retenir:
Nous voulons dissiper la fatigue accumulée tout en maintenant notre force.
Le taper dure généralement de 1 à 4 semaines
Nous voulons réduire le volume de 30% à 70%
L’intensité doit être élevée (+85% 1RM)
Une courte cessation d’entraînement de 2 à 7 jours
Trouver la recette gagnante pour chaque athlète.
Clarkson, P. M., & Hubal, M. J. (2002). Exercise-induced muscle damage in humans. American journal of physical medicine & rehabilitation, 81(11), S52-S69.
Mujika, I., & Padilla, S. (2003). Scientific bases for precompetition tapering strategies. Med Sci Sports Exerc, 35(7), 1182-1187. doi:10.1249/01.Mss.0000074448.73931.11
Travis, S. K., Mujika, I., Gentles, J. A., Stone, M. H., & Bazyler, C. D. (2020). Tapering and Peaking Maximal Strength for Powerlifting Performance: A Review. Sports, 8(9), 125. Retrieved from https://www.mdpi.com/2075-4663/8/9/125
Zatsiorsky, V. (1995). Science and Practice of Strength Training. Champaigne, Ill. In: Kinetic Books.